Les bonnes manières sont à revoir ♠ William

Les élèves étaient nombreux dans les couloirs, chacun parlant de tout et de rien. Gladys les regardait avec leurs uniformes clairs.

Elle n’en portait pas vu qu’elle était professeur, mais personne ne le savait encore. On la prenait pour une nouvelle qui était un peu perdue, jusqu’à ce qu’elle donne le cours. En général, les têtes des élèves changeaient, et c’était presque amusant de les regarder. Elle rigola doucement en se souvenant des Ifreanns, lors de son premier cours.

Avançant tranquillement dans le couloir, elle regardait la vie qui en sortait, les jeunes qui vivaient pleinement leur vie, la mêlant avec d’autres personnes. C’était tellement étrange de passer à sa si longue solitude à tant d’activité… elle eut un sourire dans le vide.

Le monde était bien étrange et imprévisible. Mais peu de gens pouvaient réellement le savoir. Après tout, peut-être qu’ils le savaient, mais ne le disaient pas. Les secrets étaient nombreux chez une seule personne. Elle-même en avait pleins, mais justement.

On ne pouvait pas non plus le savoir.

Elle soupira. Parfois, elle se perdait vraiment dans ses pensées. Alors qu’elle avançait, un garçon la bouscula au passage. Se retournant, outrée de l’attitude de cet élève complètement malpoli au point de ne pas s’excuser, elle l’interpella.

« Tu pourrais faire attention où tu marches ! »

Elle n’aimait pas ce genre de personne. Certes, elle était plus petite que les autres, et plus discrète, mais ce n’était pas une raison. Elle observa la personne avec un air agacé. Mais vraiment, le monde changeait, mais les manières aussi il fallait croire.

Et ce n’était pas forcément une bonne chose.

Décidément, il avait vraiment un langage à revoir. Quelle était cette nouvelle génération aussi vulgaire ? Elle fronça les sourcils avec un air agacée. En plus, il la rabaissait avec sa taille.
Elle lui renvoyait son regard noir, croisant les bras sur son ventre.

Non mais pour qui se prenait-il au juste ? Ce n’était qu’un gamin qui se croyait plus fort parce qu’il était plus grand, alors qu’elle pourrait le mettre au tapis en une demi seconde. La vanité ne tuait pas, heureusement.

Il ramassa ses affaires, et semblait attendre quelque chose. Il la toisait sans rien dire.

« J’espère pour toi tu n’attends pas d’excuse de ma part, je n’ai aucune raison de t’en présenter. Parce que tu es plus grand, tu devrais faire attention où tu marches. Aussi, c’est toi qui es en faute, pas moi. »

S’excuser ? Et puis quoi encore ? Sa taille ne devrait pas être une excuse pour être soumise, non. Après tout, les petits pouvaient aussi bien avoir autant raison que les grands. Alors pourquoi les grands se sentaient toujours supérieurs aux autres au juste ?

« Tu devrais te remettre en question aussi. Parce que je suis peut-être une fille et petite, mais ça ne veut pas dire que je suis en tort tout le temps. »

Elle le toisa de sa petite taille. Il était grand, vraiment grand, avait des cheveux presque aussi clairs que les siens, et des yeux bleus aussi. Il aurait été épargné durant la seconde guerre mondiale certainement, à cause de cette idée de blond aux yeux bleu. Quelle idéologie stupide.

« Et dernière chose, je ne m’excuserais jamais à un élève, sauf si j’ai tort, ce qui n’est pas le cas en ce moment. »

Elle leva la tête vers lui, et se demanda si elle arriverait à atteindre sa tête avec le bras tendu. Elle soupira.

Non, elle n’y arriverait probablement pas. Sa taille lui avait toujours causée des soucis, on l’avait souvent rabaissée à cause de ça. Elle pensait que ce temps avait été révolue, que peut-être que les mentalités avaient changées. Mais apparemment, non.

Elle hésitait presque à lui sortir qu’elle était prof de mathématique. La vampire l’avait sous entendu dans sa dernière phrase, mais il y avait peu de chances pour qu’il la croit. En même temps, elle n’avait pas le physique pour ça.

Elle ne bougeait pas, attendant que ce soit lui qui présente ses excuses. Au pire, si jamais elle le voyait à un de ses cours, elle pourrait toujours lui mettre une heure de colle ou deux pour insolence.

Son expression avait changé, il avait l’air d’être plus calme. Elle se demandait bien pourquoi, après tout, il lui était rentré dedans, et en plus, il l’avait presque insulté.

« Ah … Donc, si je comprends bien, je devrais me remettre en question parce que tu es petite et donc que tu n'es pas en tort et que de toute façon tu ne t'excuse pas à un élève. Alors en fait tu ne te prends pas pour d'la merde ? »

Elle haussa les sourcils.

« Me prendre pour de la merde ? »

Les jeunes et leurs langages. Pourquoi se prendrait-elle pour de la merde au juste ? Elle pencha la tête sur le côté, tandis qu’elle essayait de comprendre pourquoi il lui disait ça. Se prendre pour de la merde… Non, ce n’était pas le cas. Pour quelles raisons cela le serait ?

« Je n’ai pas de raisons de me prendre pour de la… merde. Je dis simplement qu’en général, les gens de ma taille se font toujours discriminés pour un rien, et que ce sont les gens grand comme toi qui les rabaissent. »

C’était comme ça, la loi du plus fort on appelait ça. Et les petits étaient toujours parmi les plus faible, simplement parce qu’ils étaient plus facile à battre. La jeune fille soupira, et le regarda à nouveau, l’air las.

« Et vu que tu attends certainement des excuses de ma part, je n’ai simplement pas à t’en donner, parce que si je n’ai pas fait attention, tu n’as pas fait attention non plus. La preuve en est, tu m’es rentrée dedans aussi. Si j’avais eu tort et que tu avais raison, tu m’aurais donc évité et là, je me serais excusée, tu comprends ? »

Elle ne savait pas vraiment ce qu’elle disait, mais de toute façon, elle ne s’excuserait pas. Elle planta son regard dans le sien et haussa les épaules.

« Et puis, tu n’as pas l’air de te prendre pour de la merde non plus à ce que je vois. Je ne vois même pas pourquoi tu as dit ça. »

Elle ne s’y ferait jamais aux expressions d’aujourd’hui. Même si elle a vécue dans ce siècle, il y avait toujours des paroles ou des phrases assez étranges. Se prendre pour de la merde… C’était vulgaire en plus comme tournure. Se prendre pour un moins que rien ou autre, c’était plus subtil, et plus propre. Mais bon, il ne fallait sûrement pas demander l’impossible à des personnes aussi jeunes. Mais cela ne s’arrangeait pas avec les années.

Heureusement qu’elle n’aura jamais d’enfants, rien que de penser à ce qu’ils pourraient devenir… Elle grimaça. Les pauvres, vivre dans une époque aussi… Merdeux comme ils disent, ce n’était pas une bonne chose. Elle reporta son attention sur le jeune homme, et soupira.

« Enfin bref. Je ne m’excuserais que si tu t’excuses aussi. Un minimum de politesse ne tue pas. »

Après tout, si elle suivait son raisonnement, elle devait autant d’excuses que lui. Et vu qu’il n’avait pas l’air décidé à en faire, elle en avait encore pour longtemps avant d’en avoir.

Des excuses rapides, à croire qu’il n’avait pas écouté ce qu’elle avait dit. Elle haussa les épaules à ses brefs pardons. D’habitude, elle aurait pinaillée pour qu’il soit un peu plus sincère, seulement, elle n’avait pas envie de se batailler avec un élève aujourd’hui.

Surtout qu’elle devait donner un cours, mais qu’elle ne savait pas dans quelle classe. Alors bon, elle avait certainement d’autres chats à fouetter. Il n’y avait presque plus d’élèves dans les couloirs, et la jeune fille soupira quand il lui dit de partir.

Elle n’allait pas vraiment être en retard, du moins, pas si elle trouvait rapidement la salle de classe où elle avait cours. Elle regarda la main se poser sur sa tête, et écarquilla les yeux. Bon, ok, elle avait une apparence de gamine. Ok, on ne pouvait pas soupçonner qu’elle était prof, et encore moins qu’elle avait plus de deux siècles et demi. Mais personne n’avait touchée sa tête depuis…

Gladys fronça les sourcils. Ce garçon était vraiment bizarre. Il lui avait limite hurler dessus, et maintenant, il l’avait décoiffée. Elle avait presque oubliée à quel point les humains pouvaient être étranges. Cela lui manquait presque de ne plus l’être quand elle y pensait.

Il fouilla dans son sac pour chercher un truc, et elle vit alors qu’il sortit un emploi du temps. Ah, cela pourrait peut-être l’aider.

« Ah, tu es dans quelle classe ? Peut-être que j’ai cours avec toi… »

Dans quel cas, elle était sauvée. Elle trimballait son gros sac à bandoulière sur son épaule, et il y avait tellement de choses dedans qu’elle n’osait pas l’ouvrir dans un lieu public, de peur de tout renverser. Et de perdre certains documents aussi.

« Comme je viens juste d’arriver, je ne me suis pas encore habituée à mon nouvel emploi du temps… »

Ce qui n’était pas faux. Elle avait beau être un vampire, elle avait toujours un peu de mal pour s’habituer à sa nouvelle vie. Aussi, vu qu’il avait l’air d’être passé à autre chose que l’histoire de la bousculade, autant lui demander.

Il allait peut-être lui répondre. Enfin, elle l’espérait. Sinon, elle allait devoir fouiller dans son sac. Et c’était bien la dernière chose qu’elle avait envie de faire. Surtout qu’elle ne savait même pas où il était, dans son sac. Si les vampires étaient ordonnés, elle était l’exception. Elle pouvait l’être, mais pas quand elle devait mettre trop de choses dans un petit sac.

Elle regarda le jeune homme, et se rendit compte qu’elle ne connaissait pas son nom.

« Quel est ton nom au fait ? »

Apparemment, il n’avait pas l’air d’aimer les maths vu la façon dont il l’avait dit. Elle tiqua, mais en même temps, peu de jeunes aimaient les mathématiques. Et cela ne l’étonnait pas vraiment qu’il dise vouloir sécher non plus. C’était comme ça en quelque sorte. Les gens avides de connaissance n’étaient pas de cette époque, mais bien du passé.

Elle soupira légèrement.

William hein. Un bon nom anglais encore. Elle avait souvent été en Angleterre, mais n’y était jamais restée longtemps. Trop de guerre ou de problèmes. Et puis, l’Italie était un bon pays pour la gastronomie. C’était ce qu’on lui disait, mais elle ne se souciait pas de ce genre de repas. Au contraire, elle avait tendance à reculer l’heure du repas le plus loin possible.

Enfin, avant qu’elle ne vienne ici. Elle avait moins de scrupules pour les animaux. Même si les humains devenaient de plus en plus cons, autant le dire.

Aussi, quelle ne fut pas sa surprise quand il proposa qu’elle l’accompagne pour sécher le cours de maths ! Elle n’avait jamais séchée de cours, pour la simple raison qu’elle n’y était jamais allée. Et puis, c’était l’un de ses premiers cours, elle n’allait pas les louper…

« Euh non… Ce n’est pas bien de sécher les cours ! Et puis, les mathématiques c’est pas si horrible, c’est juste une question de logique ! »

Elle lui prit le bras en souriant, usant de sa force de vampire pour le traîner en direction du cours.

« En plus, William, c’est l’un de mes premiers cours, j’aimerais bien voir à quoi ressemble les profs, pas toi ? Et puis, j’ai un peu le trac aussi… Tu veux bien venir avec moi ? Juste pour ce cours ! Ensuite, tu pourras faire ce que tu veux ! »

Se faire passer pour une élève était peut-être abusé, mais elle n’allait pas le laisser sécher son propre cours quand même ! Elle ne le lâchait pas, se dirigeant vers les salles de classes.

« Ah au fait ! Je m’appelle Gladys ! »

Même s’il s’en fichait, il allait bien connaître son nom de toute façon, vu qu’elle allait lui faire cours. Devant la salle de classe, où tous les élèves étaient certainement assis, elle le lâcha et dévoila ses dents en un grand sourire. Montrant ainsi ses canines de vampire.

« Et je suis la professeur de Mathématiques. »

Elle ne savait pas vraiment comme il allait réagir, mais au moins, c’était dit.